Adhésion

"Voulant préférer miséricorde à la rigueur des lois"

lettre de rémission de Louis XV en faveur d'un criminel (1730)

Le document présenté ce mois-ci est une lettre de rémission accordée à Jean Griffeuille, domestique, originaire du village de la Cassaigne (aujourd’hui Lacassagne), paroisse de Labesserette. La lettre de rémission est un acte de la Chancellerie par lequel le roi octroie son pardon, sa grâce ou son indulgence, à la suite d’un crime ou d’un délit, allant contre le cours ordinaire de la justice. Toutefois,......[Lire la suite]

  Reconstruction d'après guerre:

L'exemple du château de Clavières (1944-1952)

                                                                                                                                2022 10 1

Ce plan, extrait des archives de l’architecte vicois Alphée Delrieu, a été dressé en janvier 1950 pour permettre la reconstruction dite « à l’identique » du château de Clavières, détruit par les Allemands lors des combats de juin 1944. Le 10 juin 1944, l’armée allemande lance une attaque d’envergure contre la Résistance auvergnate. Le réduit du Mont Mouchet (Haute-Loire) est pris d’assaut par des forces ennemies venues de trois directions. Une de ces trois colonnes, composée de 800 à 900 hommes, arrive de Saint-Flour en direction de Clavières. Après avoir en partie détruit le village de Ruynes-en-Margeride, laissant derrière elle le terrible bilan de 26 civils tués ou exécutés, et après avoir incendié les hameaux du Moulin de Ruynes, de la Besseyre des Fabres et de la Brugère, elle se présente à 15 heures à l’entrée du bourg de Clavières. La majorité des habitants ont fui, seuls sont restés les impotents et le curé. Le maire François Broncy, portant son écharpe, un linge blanc à la main, se porte courageusement au-devant des Allemands pour tenter de sauver son village. Il est abattu et, selon toute probabilité, brûlé dans les incendies. Dès lors, les combats s’engagent avec une compagnie de résistants qui ne parvient toutefois pas à stopper l’avancée de la colonne allemande. Celle-ci se scinde en plusieurs groupes qui vont tour à tour incendier les hameaux du Morle, de Masset, de Trailus, des Chazes, de la Grane et de Lalaubie. Les assaillants se retirent à la tombée de la nuit et repartent en direction de Saint-Flour. Ils reviennent dès le lendemain et se présentent en fin de matinée à l’entrée du village de Clavières où le combat reprend pour plusieurs heures. Le bilan humain est très lourd avec 64 cadavres découverts sur le territoire de la commune et ses environs. Les dégâts matériels sont considérables. Au total entre le bourg et les différents hameaux de la commune, 71 maisons et 8 granges isolées sont détruites, portant le nombre de sinistrés à 219. Le village de la Besseyre des Fabres est quant à lui entièrement détruit.
La reconstruction nécessitera plusieurs années. La réparation, pécuniaire et matérielle, des dommages de guerre n'est pas propre à la Seconde Guerre mondiale. Mais avec ce nouveau conflit, l’importance des dégâts est toute autre. Le Cantal, épargné lors des précédentes guerres, est cette-fois ci concerné en plusieurs points de son territoire : Ruynes-en-Margeride et Clavières en premier lieu, mais aussi Chaliers, Murat, le Lioran ou encore Saint-Jacques-des-Blats. Peu après l’armistice du 22 juin 1940, le gouvernement de Vichy met en place la délégation générale à l’équipement national. Elle pose les principes repris ensuite à la Libération par le commissariat général aux dommages de guerre, puis par la direction des dommages de guerre, de 1949 à 1965. Chaque sinistré peut obtenir une indemnisation égale à la valeur totale du bien, déduction faite d'un abattement calculé en fonction de la vétusté de l'édifice, mais à la condition que le projet de reconstruction se fasse « sur place et à l’identique ». Cette procédure permet à l’administration centrale d'accélérer les travaux sur certains édifices et de pouvoir gérer au mieux les coûts, dans une situation économique difficile.

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La reconstruction d’un édifice commence par la demande d’indemnisation, à l’initiative du sinistré. Elle peut se présenter sous la forme d'un dossier qui contient pièces, photographies et plans documentant les dommages. Les services peuvent demander au sinistré des informations complémentaires sur l’édifice, notamment l’expertise d’un architecte de la Reconstruction, ainsi que des devis estimatifs. Une fois le dossier constitué, l’administration centrale procède à un calcul de l’indemnité provisoire. Il s’agit d’une estimation du bien avant le sinistre, généralement calculée sur la valeur du franc de 1939. Cette somme est alors considérée comme le budget provisoire des travaux. Un premier acompte est versé au sinistré pour lui permettre de commencer les opérations. Les architectes agréés par le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme jouent un rôle central dans l'indemnisation et la réparation des dommages de guerre. Ils sont chargés de l'évaluation des dommages, de l'élaboration d'un projet de reconstruction, puis de la supervision des travaux. Les archives d’Alphée Delrieu contiennent un grand nombre de ses dossiers en collaboration, ou à la suite, de l’architecte sanflorain Pierre Sadoul : 23 dossiers papier et plus de 200 plans relatifs à une centaine de reconstructions. C’est une source de première importance pour l’histoire de la reconstruction de ces villages qui reste à écrire.

Alphée Delrieu est chargé d’établir les plans et devis de « reconstruction à l’identique » du château de Clavières et de ses dépendances. Le château est considéré comme partiellement détruit et gravement endommagé avec seulement 50 % de la maçonnerie réutilisable. L’architecte évalue le dommage en valeur 1939, à 1 400 181 francs. La loi du 28 octobre 1946 prévoit une reconstruction « sur place et à l'identique » mais il est possible, par dérogation, de vendre ou de transférer les créances vers d'autres affectations. Les consorts Rolland, propriétaires, ne souhaitent pas reconstruire ce château qu’ils n’occupaient que trois mois par an. Ils demandent et obtiennent, en 1952, l’autorisation de transfert de l’indemnité en vue de la construction d’un immeuble à usage d’habitation et de commerce à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Et ce malgré l’opposition du conseil municipal et du maire, Jean Hugon, qui considèrent « que la disparition du château diminue de beaucoup la valeur touristique et dégrade énormément le bourg de Clavières » et que ce serait un « non-sens économique de payer très cher sa démolition ». Pour l’anecdote, le Cantal a compté deux châteaux dit de « Clavières », dont celui de Clavières-Ayrens, lui aussi détruit par un incendie en 1936, mais cette fois-ci causé par la foudre. 

 

  Cote ADC : 113 Fi 2005, 22 W 6

Sources : Eugène Martres, Le Cantal de 1939 à 1945. Les troupes allemandes à travers le Massif central, Ed. de Borée 1993 et Villages martyrs de la Margeride : Clavières, Paulhac, Ruynes : juin 1944 / éd. établie par Jean Favier. Association du Musée de la Résistance d'Anterrieux, 2011

Document rédigé par Nicolas LAPARRA                                                                                    

                                                                                                                                            
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