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Pour faire votre beurre, faites du lait propre !

2024 02 01

Avec l’ouverture du Salon International de l’Agriculture, le mois de février est l’occasion de mettre en avant la diversité et la qualité des productions agricoles françaises. Parmi celles-ci, la filière laitière est de toute première importance, en particulier pour les agriculteurs cantaliens. Le document présenté ce mois-ci est une plaquette éditée dans les années 1930 par l’Office national du lait dans le cadre d’une campagne de propagande pour un « lait propre ».

Depuis la fin du XIXe siècle et la révolution industrielle qui a bouleversé les habitudes de consommation, les qualités nutritionnelles du lait sont particulièrement mises en avant. Sa consommation en ville ne cesse d’augmenter. Après une distribution artisanale au porte à porte, le commerce s’organise peu à peu pour répondre aux demandes croissantes malgré un éloignement progressif des lieux de production. Cependant les difficultés sanitaires liées à sa production et à sa consommation sont encore fréquents. Le lait tourne très vite et les problèmes de transport et de conditionnement sont permanents, d’autant plus qu’avec l’expansion de l’urbanisation, le lait est transporté de plus en plus loin. En 1939, Georges Aufrère, directeur des Services Agricoles du Cantal, considère  que si « le lait est véritablement un aliment complet, puisqu’il renferme à lui seul les quatre facteurs nécessaires à toute ration : 1° Matière grasse ; 2° Matière hydrocarbonnée (lactose) ; 3° Matière protéique ; 4° Des substances minérales »[1], il est aussi « de par sa composition même […] un liquide extrêmement altérable ». A cette date, le modèle dominant est encore la petite exploitation pour laquelle le lait n’est qu’un complément des revenus de la ferme. La production s’opère souvent dans des conditions d’hygiène défectueuses auxquelles s’ajoutent les maladies du bétail, notamment la tuberculose, qui peuvent contaminer le lait.

Ces difficultés sont un frein au développement de la filière laitière. Et comme en témoignent cette plaquette ainsi que le titre de la publication de Georges Aufrère, L’hygiène du lait, dans l’entre-deux-guerres, les pratiques hygiéniques deviennent une préoccupation majeure. Les agriculteurs, premiers maillons de la filière, sont encouragés à produire du « lait propre ». Principal argument en faveur de la propreté, qui peut paraître évident, mais qu’il semble alors bon de rappeler : « le lait propre se vend mieux ». Car si ce dernier se conserve bien, a contrario « le lait sale caille rapidement » et doit être jeté par le consommateur. Même chose pour les dérivés du lait que sont le beurre et le fromage. « Il est très important pour l’industriel de se rendre compte de la valeur hygiénique du lait qu’il est appelé à traiter. C’est d’elle en effet que dépend en grande partie la qualité du produit final. Dans la fabrication du beurre, les goûts anormaux, métalliques, savonneux, de rance, les colorations bleues ou verdâtres, qui apparaissent parfois, sont le fait soit de la présence de mauvais germes dans le lait, soit d’une acidification trop poussée de la crème. […] Il en est de même des odeurs urineuses ou fécaloïdes, des tâches diversement colorées et des diverses pourritures » des fromages dont il faut chercher « la cause dans les mauvaises conditions de récolte du lait »[2].

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Pour parvenir à de meilleurs conditions d’hygiène, la plaquette se veut avant tout didactique et propose toute une série de bonnes pratiques à suivre par les producteurs avec un unique mot d’ordre : la propreté. Le mot d’ordre est « propre ». « Un lait propre ne peut être obtenu que : dans une vacherie propre, avec des vaches propres et en bonne santé, traites par un vacher propre et récolté dans des récipients propres ». Cette phrase introductive énonce les quatre facteurs essentiels à considérer dans la récolte du lait : le local où se déroule la traite, la vache, le vacher et les ustensiles utilisés pour la traite. Idéalement, l’étable doit être nettoyée régulièrement et les murs passés à la chaux deux fois par an. Pour éviter que les bêtes ne se salissent, les litières doivent être faites deux fois par jour. Georges Aufrère, conscient des réalités locales, est plus pragmatique : « nous ne sommes pas à une époque où il soit possible de reconstruire des étables modernes, et nous devons tirer le meilleur parti possible d’installations anciennes, parfois défectueuses »[3]. Il recommande en premier lieu d’aérer les étables et de les rendre facilement lavables et désinfectables par une couche de béton strié au sol et par un enduit de ciment aux murs. Il faut ensuite nettoyer la litière chaque jour et éloigner les fumiers de l’étable. Deuxième facteur, les vaches doivent être propres et saines, « étrillées et pansées » mais aussi vaccinées contre la tuberculose encore très fréquente dans les élevages à cette époque. « Les animaux doivent être bien nourris » pour produire plus de lait et éviter de lui donner un goût désagréable. Après l’étable et les animaux, le vacher lui-même doit être propre. La plaquette recommande de se laver « soigneusement les mains » et de nettoyer « les trayons des vaches avant la traite ». Elle propose aussi de leur attacher la queue pendant la traite afin d’éviter de faire tomber des poussières dans le lait. Il faut ensuite filtrer le lait pour éliminer les éventuels débris organiques (poils d’animaux, poussières d’aliments ou de litière) puis le refroidir tout de suite après la traite pour éviter la prolifération des bactéries. Enfin, le vacher « n’utilise que des seaux et des bidons parfaitement lavés et séchés ». La plaquette n’évoque que peu ce dernier aspect qui est pourtant le plus important pour Aufrère. Il considère les ustensiles de traite comme « les grands propagateurs des microbes du lait ». Il préconise des récipients facilement lavables et faciles à égoutter et à sécher. Pour le Cantal, les gerles traditionnelles en bois sont « à rejeter sans merci » !

         Paradoxalement, il n’est ici nullement question de santé publique, la plaquette présentant l’amélioration de la qualité du lait sous l’angle du développement économique de la filière et, surtout, de profits à espérer. Il est en effet rappelé aux producteurs que « le lait sale compromet à la ville la consommation du lait, du beurre, du fromage » tandis qu’un « lait propre garnira votre porte-monnaie » !

 

Cotes ADC : 153 M 1 et 2 BIB 10424.

Document rédigé par Nicolas Laparra

[1] L'Hygiène du lait, Georges Aufrère, directeur des services agricoles du Cantal, 1939, pages 5-7 (cote ADC : 2 BIB 10424).

[2] Ibid, page 18.

[3] Ibid, pages 11-12.

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