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Dr Sucquet, l'embaumeur oublié (1812-1884)

Le 15 août 1884, les obsèques du docteur Sucquet, « une de nos gloires médicales », furent célébrées en l’église Notre-Dame-aux-Neiges d’Aurillac en présence d’une « foule nombreuse » . Illustre en son temps, son souvenir s’est peu à peu effacé et c’est au hasard d’une recherche que l’on redécouvre aujourd’hui ses travaux. La bibliothèque des Archives départementales, forte de plusieurs milliers d’ouvrages, conserve quelques-unes de ses publications. Le Docteur Sucquet, de son véritable nom Jean-Pierre Boissié, est né rue des Dames à Aurillac, le 6 novembre 1812, fils naturel de Marie Boissié, âgée de 21 ans. Nous ne savons rien de sa jeunesse si ce n’est qu’il semble avoir été adopté. En 1837, il dédicace sa thèse soutenue à la faculté de médecine de Paris sous le nom de Boissié-Sucquet d’Aurillac : « A celle qui m’a servi de mère. Affection d’un fils. ......[Lire la suite]

Docteur Sucquet, l'embaumeur oublié (1812-1884)

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Le 15 août 1884, les obsèques du docteur Sucquet, « une de nos gloires médicales », furent célébrées en l’église Notre-Dame-aux-Neiges d’Aurillac en présence d’une « foule nombreuse »[1]. Illustre en son temps, son souvenir s’est peu à peu effacé et c’est au hasard d’une recherche que l’on redécouvre aujourd’hui ses travaux. La bibliothèque des Archives départementales, forte de plusieurs milliers d’ouvrages, conserve quelques-unes de ses publications. Le Docteur Sucquet, de son véritable nom Jean-Pierre Boissié, est né rue des Dames à Aurillac, le 6 novembre 1812, fils naturel de Marie Boissié, âgée de 21 ans. Nous ne savons rien de sa jeunesse si ce n’est qu’il semble avoir été adopté. En 1837, il dédicace sa thèse soutenue à la faculté de médecine de Paris sous le nom de Boissié-Sucquet d’Aurillac : « A celle qui m’a servi de mère. Affection d’un fils. B. Sucquet »[2]. Après ses études, il s’installe à Paris et poursuit ses travaux de recherche, tout d’abord dans le domaine de l’hygiène publique. Il travaille ainsi à l’assainissement des eaux ou encore à la conservation des corps dans les écoles de chirurgie. C’est au cours de ces recherches qu’il va s’intéresser au domaine bien particulier de l’embaumement, pour devenir un des fondateurs des techniques modernes appelées aujourd’hui thanatopraxie.

L’embaumement des cadavres est une pratique très ancienne qui perdure jusqu’à nos jours, depuis l’Egypte ancienne et ses momies jusqu’à Lénine, Mao ou encore Kim Il-sung. Elle ne touche ici que des personnages importants dans le but de glorifier le défunt même après sa mort par la conservation et l’exposition de son corps. Néanmoins, au début du XIXe siècle, particulièrement en France, l’embaumement prend un nouveau sens plus intime et plus sentimental. La pratique se démocratise et devient accessible à une nouvelle clientèle bourgeoise désormais plus soucieuse du respect du corps des défunts. On attend désormais de cette pratique qu’elle respecte l’intégrité des corps en donnant à la mort l’apparence d’un sommeil éternel. L’historienne Anne Carrol parle de « passion romantique[3] ». Elle y voit un moment de transition entre les pratiques funéraires d’Ancien Régime, qui n’accordaient que peu d’importance au corps comme à la tombe, à celles du XIXe siècle dans lesquelles la sépulture devient l’élément principal du culte des morts.

Comme nous l’avons vu avec le docteur Sucquet, cette nouvelle pratique sociale rencontre les préoccupations du courant hygiéniste qui travaille à améliorer la conservation des corps. Jusqu’à cette date les pratiques n’ont que peu évolué depuis l’Egypte ancienne. En 1837, Jean-Nicolas Gannal révolutionne l’embaumement par une toute nouvelle technique dont il dépose le brevet. Chimiste et pharmacien de formation, il met au point un procédé basé sur l’injection d’une substance chimique. Il n’y a plus besoin de mutiler les corps, Gannal se contente d’inciser la carotide et d’y injecter 4 à 5 litres d’une solution d’eau distillée, de sulfate d’alumine et d’arsenic. Le procédé Gannal connaît un grand succès, il embaume plus de 2500 personnes en une vingtaine d’années. Mais son esprit d’entreprise et sa volonté de monopole dans un secteur aussi sensible ne vont pas sans provoquer de vives réactions. On lui reproche notamment d’utiliser de l’arsenic, susceptible de dissimuler un crime par empoisonnement. En 1844, Sucquet qui n’est alors que simple médecin du bureau de bienfaisance du 9e arrondissement de Paris, publie un mémoire adressé à l’Académie des sciences et à l’Académie de médecine, dans lequel il présente un nouveau mode d’embaumement sans injection et à base de chlorure de zinc. Une loi du 31 octobre 1846 interdit définitivement l’usage de l’arsenic dans les embaumements. C’est dans ce contexte que l’Académie royale de médecine décide d’opposer les deux hommes. Les 21 et 23 mai 1845, Gannal et Sucquet pratiquent à tour de rôle un embaumement dans des conditions identiques sous les yeux d’une commission ad hoc. Les corps sont ensuite enterrés puis exhumés 14 mois plus tard, le 14 juillet 1846, pour juger de leur état de conservation respectif. Le corps embaumé par Gannal est en pleine putréfaction tandis que celui embaumé par Sucquet est parfaitement conservé. Le rapport de la commission conclut que « le liquide de M. Gannal, sans arsenic, ne conserve plus »[4], tandis que « le liquide dont fait usage M. le docteur Sucquet dans ses embaumements ne contient pas d’arsenic, et la conservation des corps qui en est le résultat est si parfaite, qu’elle ne laisse rien à désirer ». 

C’est un véritable succès pour le docteur Sucquet. Reconnu par ses pairs, il est fait chevalier de la Légion d’honneur et lauréat de l’Académie des sciences. Il devient une référence en matière d’embaumement. En 1850, il est ainsi appelé en Angleterre pour embaumer le roi Louis-Philippe Ier et en 1855, à Saint-Pétersbourg pour le tsar Nicolas Ier. Il maîtrise parfaitement son art lorsqu’il publie en 1862 un nouveau traité relatif à la conservation des traits du visage. Sa méthode de conservation à base de chlorure de zinc a fait ses preuves. Il reconnait toutefois que si « pour des hommes de science […] l’éloignement de la décomposition peut constituer tout l’embaumement […] les familles y regardent de plus près ». Il estime que l’embaumement doit être « l’apparence d’un sommeil calme et tranquille. Les traces de la mort doivent disparaitre ». Il présente dans cet ouvrage le résultat de ces dernières recherches permettant de remédier aux altérations de la couleur du visage provoquées par l’utilisation du chlorure de zinc : « l’art de l’embaumement […] devient plus délicat dans ses détails et acquiert un haut degré de perfectionnement ». Si l’Histoire a retenu, le nom de Jean-Nicolas Gannal, inventeur du procédé du même nom, celui de Jean-Pierre Boissié dit Sucquet, est toutefois tombé peu à peu dans l’oubli, même auprès de ses compatriotes aurillacois.

Cotes ADC : 8 BIB 361/12 et 14 ; texte rédigé par Nicolas Laparra

[1] Le Moniteur du Cantal, 16 août 1884 (cote ADC : 2 JOUR 29)

[2] Essai sur l'éducation physique de la première enfance, par Boissié-Sucquet, Paris, 1837 (cote ADC : 4 BIB 92/7)

[3] L’embaumement. Une passion romantique. France, XIXe siècle, Paris, Champ Vallon, coll. « La chose publique », 2015.

[4] https://www.embaumements.com/Rapport%20Sucquet.pdf




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